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De 1887 à 1953, la loi sur la relégation des récidivistes du 27 mai 1885 a frappé près de 17 375 individus d’un internement à perpétuité en Guyane. La plupart des relégués, déçus par leur sort et éprouvant leur peine comme une injustice, observèrent des grèves et des rébellions, le plus souvent à leur arrivée au pénitencier, et ce afin d’obtenir, en vain, l’application régulière de leur régime. Mais ces tentatives, toutes exemptes de violence, n’aboutirent pas et sont à réinscrire dans un processus plus global qui a trait aux différentes étapes qui rythment leur installation au sein d’une institution particulièrement contraignante. Face aux moyens de coercition, mais également de conciliation, dont dispose l’administration pénitentiaire, le recours à la révolte apparaît comme une impasse qui se résume à une simple modalité d’adaptation, une expérience essuyée douloureusement. Elle précède ainsi une phase d’installation dans le pénitencier qui permet ensuite aux relégués d’en soutirer toutes sortes de privilèges, ou bien de s’en évader...

 

Jean-Lucien Sanchez travaille sur l’histoire pénale et coloniale de la Troisième République. Avec A perpétuité, sorti en 2013 chez Vendémiaire, il vous invite à un voyage de 384 pages dont on  ne revient pas forcément indemne. Vous rencontrerez les quelques 17000 incorrigibles de la petite délinquance que la loi du 27 mai 1885 promettait à une disparition rapide et certaine sous le sunlight des tropiques de la France ultramarine. Vous côtoierez le bas-fond des bas-fonds, le monde des pieds-de-biche. Vous sentirez sur vous l’odeur des corps anémiés et meurtris par la faim, la chaleur, les maladies, les coups, le travail forcé. Vous sentirez, vous approcherez, vous toucherez, vous verrez cette œuvre d’exclusion et de mort légale que fut la relégation. « C’était l’oubliette de la République, le réceptacle de toutes les misères sociales, le résidu des ‘hommes tarés’ » écrit Dominique  Kalifa dans son compte-rendu pour le journal Libération en date du 06 février 2013. On peut y rajouter aussi les femmes, même si elles ne furent que 509 entre 1887 et 1905 à échouer dans la colonie pénitentiaire. Point de voyeurisme pourtant dans cette étude au style simple, limpide, clair, mais une histoire sombre et oubliée qui, à n’en pas douter, fera date dans la connaissance des bagnes de Guyane. Car la relégue n’avait jamais été à ce point aussi bien révélée. L’auteur raconte des vies perdues comme celles d’Henry Marty et de Philippe Martinez dont les souvenirs qu’il a préfacés ont paru aux éditions Albache en 2011. C’est peu dire que nous vous conseillons fortement la lecture de ces deux livres de Jean-Lucien Sanchez qui a bien voulu répondre ici à quelques-unes de nos questions.

Relégués en rébellion : révoltes, grèves et évasions à Saint-Martin-de-Ré et Saint-Jean-du-Maroni, de la fin du xixe siècle aux années 1930
Relégués en rébellion : révoltes, grèves et évasions à Saint-Martin-de-Ré et Saint-Jean-du-Maroni, de la fin du xixe siècle aux années 1930
Tag(s) : #Bagnes coloniaux
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