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189 – Portrait du jour : Jean-Etienne Picaut, historien et auteur de “La rose et les barbelés” – L’honneur des femmes engagées dans la Résistance.

“Si les barbelés renvoient aux camps de concentration, la rose est dédiée à ces jeunes femmes qui étaient âgées d’une vingtaine d’années au moment de leur engagement. Elles méritent d’être connues et saluées à leur juste valeur. “

Le Carnet de l’histoire de la justice, des crimes et des …développe la rubrique Portrait du jour – Criminocorpus  et ouvre ses pages aux fidèles lecteurs du site.

Jean-Étienne Picaut, avec son livre, devant la plaque apposée sur la façade de l’ancien Hôtel des voyageurs, en novembre 2015, en hommage à Annick Pizigot.

Pour son 189ème  Portrait du jour – Criminocorpus  nous recevons L’historien Jean-Etienne Picaut qui vient de sortir son douzième ouvrage dans lequel il met à l’honneur les femmes engagées dans la Résistance.

“On comptait sur les doigts d’une main les personnes qui étaient au courant du sujet sur lequel Jean-Etienne Picaut travaillait depuis sept années. « J’ai réussi à tenir ma langue, mais ce n’était pas évident », indique cet historien, né à Vannes mais qui a passé toute son enfance à Locminé, berceau de sa famille. Son dernier livre vient de sortir et s’intitule : La rose et les barbelés . Un ouvrage dans lequel il raconte l’histoire de plusieurs femmes engagées dans la Résistance…” 

Le carnet criminocorpus est très sensible à cette évocation de ces jeunes résistantes qui un jour décidèrent de devenir des femmes de l’ombre ! Elles avaient entre  20 ou 30 ans, elles étaient belles et elles aimaient la vie ! Envisager la privation de liberté leur était insupportable… Respect. 

Merci monsieur pour cette évocation. Philippe Poisson

 Qui êtes-vous Jean-Étienne Picaut ?

Natif de Vannes, dans le Morbihan, la ville voisine de Locminé, fief de ma famille depuis 12 générations, berce ma petite enfance. Nous suivrons ensuite les pas de mon père, fonctionnaire, au gré de ses mutations, à Vannes puis à Nantes. J’y effectue des études de comptabilité avant de gagner la capitale, après avoir été reçu à des concours administratifs au sein du ministère des Finances.

Rien à vrai dire ne me prédisposait à l’écriture, sinon la passion de l’histoire née du brillant enseignement d’un professeur de terminale, l’amour de la langue française et l’envie de faire voyager les gens à travers leur propre histoire ou celle de leurs ancêtres.

Toute mon adolescence a été nourrie des récits d’aventures vécues et des narrations ethnographiques (Mahuzier, Paul-Émile Victor…). Plus tard, mes fonctions de comptable ont forgé cet esprit de rigueur indispensable aux recherches historiques.

 Quel a été l’élément déclencheur de votre travail de mémoire ?

À la base, la demande surprenante du maire de la commune de Colpo, proche de Locminé, en laquelle je réside depuis 1975 . J’étais à l’époque (en 1990) conseiller municipal et connu pour mes passions historiques. L’édile, à la tête d’une ferme fruitière (fraises et cidre), me prie de réfléchir à la décoration d’un présentoir de bouteilles de cidre. La réalisation du blason de la commune, son emblème actuel, me conduit aux archives départementales du Morbihan et à la bibliothèque municipale de Vannes. La documentation recueillie s’avère si abondante que les élus me proposent d’en faire une synthèse et d’écrire l’histoire de Colpo, sous toutes ses composantes. En 1996, la commune édite mon premier ouvrage : « Colpo ou la métairie de Kervodo », épuisé en quelques mois.

 Vous écrivez donc depuis 30 ans…

En effet, mais surtout beaucoup de temps consacré à d’innombrables recherches…

Encouragé par un voisin, ancien proviseur et historien, je m’intéresse à la personnalité fascinante d’une princesse impériale, fondatrice de la commune de Colpo en 1864, Napoléon Baciocchi, nièce de Napoléon Ier et cousine germaine de Napoléon III.

Un personnage singulier doté d’un prénom masculin, cette comtesse Camerata mise en scène par Edmond Rostand dans « L’Aiglon ». Me consacrer à sa biographie en devient une véritable obsession.

Quinze années à fréquenter archives, musées, bibliothèques… à suivre ses pas pour mettre en lumière ses folles tribulations à travers l’Italie, la Slovénie, la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche et bien entendu la France.

 L’œuvre d’une vie en quelque sorte…

Presque ! Et de ces voyages, menés avec mon épouse, naîtra une importante biographie en deux volumes : « Madame Napoléon – Princesse Baciocchi ».

Ma passion pour la photographie se traduira en ces pages par de multiples illustrations… après avoir appris à me servir et à maîtriser les logiciels appropriés !

Une aventure fantastique, conduite sous la houlette, omniprésente mais invisible, de ce que j’ai nommé « ma petite étoile ». Mystérieux ange gardien ou providence, dont l’évocation, lors de conférences proposées en Bretagne, suscite l’étonnement de l’auditoire.

Mais au fil des ans naîtront d’autres ouvrages sur Colpo, Moustoir-Ac, Locqueltas – Locmaria-Grand-Champ, et une trilogie sur Locminé, des communes du Centre Morbihan. Quelque 450 personnes interrogées, d’innombrables heures passées au sein de multiples archives…

 Cette passion napoléonienne a-t-elle trouvé quelque écho dans votre commune ?

L’histoire de la princesse Baciocchi était en sommeil jusqu’à la parution de mon premier ouvrage. Après avoir essuyé maints refus et subi bien des déboires… il a fallu toute la volonté du maire actuel pour, enfin, mettre en avant la richesse de notre patrimoine Second Empire.

Il me demande de créer un Itinéraire napoléonien, jalonné de panneaux explicatifs, et met à disposition de la nouvelle association Espace Napoléone, dont j’assume la présidence, un bâtiment emblématique, l’ancien cabinet du médecin de la princesse. Entièrement transformé, il abrite désormais un centre d’interprétation du patrimoine impérial, qui accueille tout au long de l’année de nombreux visiteurs.

– Comment arriviez-vous à concilier votre travail et votre passion ?

Au tout début, ce fut une simple question d’organisation. Mais rapidement je me suis heurté à la fuite inexorable du temps. Aussi ai-je dû me résoudre à demander à ma direction un temps partiel, puis un mi-temps. Des sacrifices financiers largement compensés par l’enrichissement lié aux merveilleuses rencontres, aux échanges, aux yeux pétillants des anciens à l’évocation de leurs jeunes années. Des gardiens de notre mémoire dont il ne reste, hélas, que bien peu de témoins. Il me serait impossible , à l’heure actuelle, d’écrire la plupart de ces livres.

 Votre 12e ouvrage s’intitule « La rose et les barbelés ». Qu’évoque ce titre ?

Les barbelés renvoient aux prisons, forteresses et camps de concentration. La rose symbolise ces jeunes filles, engagées très jeunes dans la Résistance . La rose blanche rappelle le fleurissement de la chambre funéraire de l’héroïne locminoise Annick Pizigot.

 Pouvez-vous me présenter ce livre ?

Il raconte l’engagement de cinq jeunes femmes, aux destins croisés, au service de la défense de notre Patrie. Des agentes de liaison courageuses, ayant pris des risques incroyables au sein des mouvements de la Résistance.

Annick Pizigot, début 1944.

La vie d’Annick Pizigot sert d’ossature à cet ouvrage, de sa naissance à sa fin tragique. S’y greffent les actions valeureuses d’Annick Perrotin et de Jeanne Bohec (La plastiqueuse à bicyclette), ayant notamment participé au camp de Saint-Marcel, de Marie Raguedal, dissimulant les messages d’un réseau dans les rouleaux de son abondante chevelure, de Constance Dragonelli, du réseau Arc-en-ciel, la confidente d’Annick Pizigot à Ravensbrück et à Mauthausen…

Les recherches archivistiques se sont échelonnées sur plus de dix années, au gré de rencontres providentielles et de témoignages oraux. Une immersion totale en cette période tragique, la longue quête de la vérité, menée comme une véritable enquête policière, se heurtant à la confrontation de maintes sources différentes, parfois contradictoires.

Le fil ténu d’une simple confidence ouvre bien souvent la porte à la révélation de faits incroyables et ignorés, mettant en lumière des facettes inconnues de l’engagement de ces actrices de notre libération. Des femmes de l’ombre rejetées, souvent méprisées, qui ont droit à toute notre reconnaissance et méritent d’entrer dans les mémoires de l’Histoire.

 Comment ce livre est-il perçu ?

Les premiers témoignages, recueillis auprès des lecteurs, qualifient l’ouvrage de passionnant (ils le lisent d’une seule traite), d’émouvant, de poignant et sans concession.

Riche d’une iconographie conséquente (plus de 400 photographies et documents), il ne laisse rien ignorer des traitements abjects endurés par certaines de ces jeunes femmes, qui jamais ne lâcheront de confidences à leurs bourreaux. Condamnée à mort à trois reprises, Annick Pizigot donnera sa vie pour notre liberté. Elle venait d’avoir 21 ans.

Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #Femmes - repères biographiques, #Femmes dans les guerres, #Guerre 1939 -1945 - Vichy, #portrait du jour criminocorpus
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