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"Culture et Justice" reçoit avec infiniment de plaisir François Legay

François  est né le 24 juillet 1978 à Dieppe.

Son roman Les Deux Pieds Dedans ! édité chez Lajouanie est sorti le 24 janvier 2020.

Encore un p’tit gars publié  chez Jean-Charles Lajouanie / Caroline Lainé !

Pour cette interview, il a demandé à son ami Serge Azertyuiop (claviériste et inventeur du tapuscrit) de lui poser des questions.

S’ils se tutoient ce n’est donc pas par manque de savoir vivre mais parce qu’ils se connaissent.

Merci Serge Azertyuiop pour cet interwiew

Bienvenue François sur le blog des “aficionados du crime”. Ph. P

 

Interview par Serge Azertyuiop pour "Culture et Justice" :

« Je te connais suffisamment pour savoir que tu détestes qu’on te demande « ton roman, ça parle de quoi ? », mais là, je suis un peu obligé de te le demander… Ton roman, ça parle de quoi ?

Heu… Tu fais chier. Ça parle d’un type qui s’appelle Augustin Kerr, qui est détective privé parce que quand il était gosse il rêvait de devenir héros de roman policier. Et comme héros de roman c’est pas un métier, il est devenu détective privé. Tu suis ? Donc, il s’ennuie un peu parce que les détectives privé dans la réalité, surtout à notre époque où t’as plus besoin de piéger ton conjoint quand tu veux divorcer, c’est pas un boulot trépidant. Alors, il attend l’Affaire, celle qui va lui rappeler ses lectures d’enfant quand il vivait des aventures extraordinaires, et il se trouve que cette affaire elle arrive. Il a rendez-vous chez un mec qui doit l’engager mais on sait pas pourquoi, et quand il arrive chez ce mec, il en trouve trois autres : un qui est mort dans les chiottes, un qui est dans les vapes dans le salon, et un troisième qui ressemble à David Douillet, qui sort de la chambre et qui veut lui casser la gueule.

Et il y a aussi une enveloppe à son nom dans laquelle il y a 5000 euros et un message du mec qui l’a engagé, lui disant qu’il touchera encore 5000 euros quand il aura procédé à l’échange de la marchandise. Mais quelle marchandise, évidemment, on n’en sait rien. Voilà, ça commence comme ça. C’est-à-dire qu’on comprend rien. Comme dans le résumé que je viens de faire. Mais ça t’apprendra à me poser la question qu’il ne faut pas me poser.

Avant d’écrire un roman, tu écrivais quoi ?

Au collège et au lycée, j’écrivais des textes de chansons pour les groupes de rock dans lesquels je jouais soit de la guitare soit de la basse.

Ensuite, des scénarios de court-métrage dont certains ont été récompensés dans des festivals.

Et puis j’ai écrit deux scénarios de long-métrage. Un pour Pierre Arditi, qui était intéressé d’ailleurs, mais ça a foiré avec la prod’. Et après je n’avais pas les contacts pour aller voir ailleurs.

Et un autre pour un acteur… j’allais dire d’aujourd’hui, c’est pas très sympa pour Arditi, mais tu m’as compris… qui me l’a fait avec la mentalité d’aujourd’hui que j’appelle la mentalité « je te largue par texto », c’est-à-dire très sympa en face à face et derrière il s’est avéré qu’il n’en n’avait rien à foutre.

Deux déceptions coup sur coup qui ont fait que j’étais décidé à arrêter d’écrire.

Carrément ?

Oui, carrément car le cinéma c’est la grande passion de ma vie. Or, plus la passion est grande plus la déception est rude. Et comme je ne me voyais pas du tout écrire d’une autre façon que de la façon scénaristique, ça voulait dire plus d’écriture du tout.

Sauf que ?

Sauf qu’en flânant sur Internet je suis tombé sur une annonce de concours de nouvelles. C’était organisé par Le Bourgeon des plumes, présidé par Jacques Saussey, et le thème du concours m’a inspiré. J’ai donc écrit une nouvelle, curieusement assez facilement. J’ai fait deux versions, quasiment d’une traite, et le résultat a été que j’ai gagné.

Ça m’a donné envie d’écrire d’autres nouvelles et de faire d’autres concours. J’en ai fait peut-être une dizaine et ça s’est plutôt bien passé puisque j’en ai gagné la moitié, donc ça m’a encouragé encore plus. Parallèlement j’écrivais des chroniques littéraires pour le blog K-Libre qui est un site dédié au genre policier, ce qui m’a permis de rencontrer Jean-Charles Lajouanie, de sympathiser avec lui et d’avoir quelqu’un qui m’a rapidement expliqué que les nouvelles et les chroniques c’étaient super mais que ça serait bien que je passe au roman. J’ai suivi son conseil et je le remercie parce qu’en plus il a été patient.

 

 

L’écriture ça te prend dès le matin ?

Pas forcément. Tout dépend si j’ai envie de m’en débarrasser très vite et d’être tranquille pour le reste de la journée, ou si je fais passer tout le reste en priorité en me disant que j’écrirai s’il me reste du temps avant d’être fatigué.

Je ne suis pas quelqu’un qui va à l’écriture avec plaisir. Je ne me lève jamais le matin en me disant : « super ! Aujourd’hui, j’ai rien à faire, je vais pouvoir écrire toute la journée ».

Je dirais même que c’est très compliqué pour moi de me mettre à écrire. Après, une fois que je suis dedans ça va. Et quand ça vient bien, là, je prends plaisir à écrire. La difficulté pour moi c’est de m’y mettre car j’ai quand même un peu l’impression que j’ai des devoirs à faire. Et comme j’ai détesté l’école… Donc, parfois, pendant plusieurs jours je n’écris pas car j’ai de très bonnes excuses pour ne pas m’y mettre. Mais après 3, 4 jours, je le vis mal alors je finis par me forcer. Et je me force pendant plusieurs jours d’affilés. Je passe sans arrêt de période où je me force à écrire à des périodes où j’ai des excuses pour ne pas écrire. Mais encore une fois le problème c’est de s’y mettre. Une fois que je suis lancé, ça va. Et quand j’ai fini, c’est le paradis. Jusqu’au lendemain.

Quels sont les écrivains qui t’ont donné envie d’écrire ?

Il n’y a pas que des écrivains. Et ce n’est pas vraiment écrire, c’est plutôt créer un univers, des personnages et raconter des histoires.

J’ai rencontré des créateurs et des univers qui m’ont donné envie de faire comme eux.

Le premier c’est Hergé. Je crois que Tintin a tué l’ennui de mon enfance. À partir du moment où j’ai découvert Tintin, il était impossible que je m’ennuie. J’ouvrais une BD et c’était la grande aventure.

Après, il y a eu Marcel Pagnol, même si ça ne s’est pas matérialisé à ce moment-là. Je n’ai jamais dit que j’allais écrire après avoir lu Pagnol, mais ça me donnait tout de même envie de raconter mes vacances.

La première fois où j’ai dit que je voulais écrire c’était en pensant cinéma et c’était à cause de Michel Audiard. Mon ambition première c’était de faire du cinéma. Vraiment.

Sinon, je suis un admirateur absolu de Georges Simenon. Mais il ne m’a pas donné envie d’écrire. Il m’a donné envie de le lire.

Et Frédéric Dard alias San-Antonio m’a donné le goût des mots, le goût de la langue française et il m’a confirmé que mon envie de vouloir divertir, amuser, raconter des conneries était honorable.

Toutes ces caractéristiques on les retrouve dans « Les Deux Pieds Dedans ! », le roman que tu viens de sortir, édité chez Lajouanie ?

Absolument. Je suis très content parce que Les Deux Pieds Dedans ! c’est exactement ce que je voulais faire, et c’est exactement ce que j’ai envie de faire. Ce genre de littérature permet une grande liberté. Pour moi, c’est comme être dans une cour de récré, mes camarades de jeux sont les personnages et on invente au fur et à mesure. Tout peut donc arriver. C’est un terrain de jeu formidable.

Tu inventes au fur et à mesure ?

Oui, parce que je suis obligé, en fait. Si je fais un plan… J’ai tout essayé, hein… Si je fais un plan, je le suis pendant deux jours… et en plus ce sont deux jours où je me fais chier… et je le balance. Parce que je me sens prisonnier du plan. Donc je passe mon temps à me censurer.

La meilleure méthode pour moi c’est de découvrir l’histoire en l’écrivant. Je trouve un titre et je développe.

Sérieux ? Tu commences par le titre ?

Oui, oui, c’est pas des conneries ! Je trouve un titre et je développe. J’écris chronologiquement puisque je ne sais pas ce qu’il va se passer. Alors après, il y a des trucs qui peuvent changer de place. Plus j’en découvre, plus je suis en mesure d’arranger ce qui a déjà été écrit. Mais c’est là où c’est épuisant parce qu’avec cette méthode je dois sans arrêt reprendre ce que j’ai écrit pour l’ajuster en fonction de ce que je viens de trouver. Et parfois, je suis dans des impasses terribles. J’arrête d’en parler parce que sinon, demain, je n’aurai pas le courage de m’y mettre.

Tout à l’heure, tu parlais de « ce genre de littérature ». Pour toi, ce que tu écris c’est quel genre ?

Moi, j’appelle ça du divertissement. Ça n’existe pas en littérature, mais mon intention elle est là. Que les lecteurs passent un bon moment, qu’ils se marrent, qu’ils se détendent. J’ai toujours aimé faire rire et j’ai toujours aimé raconter des conneries. J’aurais adoré être un grand acteur de comédie genre de Funès ou un grand comique comme Coluche. Quelqu’un avec qui les gens sont sûrs de passer un bon moment. Une sorte de remède. Un truc qui donne ou redonne le sourire.

Chez Lajouanie, il y a quand même le label « roman policier » ?

Oui, mais il ne faut pas oublier le mais pas que. En fait, c’est une ligne éditoriale qui me convient parfaitement parce que dans le mais pas que moi, je vois la liberté dont je te parlais précédemment. Tout est possible. Ce qui ne veut pas dire que tout est autorisé. Mais c’est une ouverture formidable et c’est ce qui fait la richesse du catalogue Lajouanie. Tu en as pour tous les goûts. Alors, il y a des auteurs pour qui le genre policier est très important, des vrais fanas de la série noire, moi, ce n’est pas mon cas. J’aime bien ça, surtout en tant que lecteur, mais en tant qu’auteur je connais mes limites et je sais que l’intrigue à la Agatha Christie je ne sais pas faire, et le polar vérité très réaliste je ne sais pas faire non plus. Moi, ce que je peux faire c’est proposer un voyage dans un univers décalé. Avec une enquête quand même. Les codes du roman policier me plaisent énormément. Après si tu aimes le premier degrés et le réalisme il ne faut pas venir chez moi.

 

 

Dans ton roman il y a aussi du politiquement incorrect et du parler cru. C’est de la provocation ?

Non, c’est du style !

Je plaisante, mais si c’est perçu comme de la provoc’, déjà ça veut dire qu’on est mal barré, et ensuite ça veut surtout dire qu’au niveau de la liberté d’expression il y a un malaise quelque part. Je suis toujours atterré quand j’entends des gens dire: « on ne peut pas rire de ça ». Bien sûr que si. On est libre et on vit dans une démocratie, on a donc le droit de rire, de plaisanter sur tout ce qu’on veut. Tu peux ne pas cautionner, ou ne pas trouver ça drôle, et dans ce cas-là tu ne ris pas et tu vas voir ailleurs. Pourquoi dire « on n’a pas le droit » ? Moi, je revendique la liberté d’expression totale. Et j’estime qu’on a aussi le droit d’avoir mauvais goût en humour et de rire de trucs qui ne font rire que soi. On est libre donc on peut rire de ce qu’on veut. À cause du succès… et parce que ça date un peu… on a oublié que Gérard Oury avait eu des problèmes au moment de la sortie de La Grande Vadrouille parce qu’on lui reprochait de faire de l’humour sur une période grave, en l’occurrence la seconde guerre mondiale. Il a répondu : « Je suis juif, j’ai tremblé et je me suis caché pendant les cinq années qu’a duré la période dont vous parlez. Alors, maintenant, permettez-moi d’en rire ! ». Et vu le succès qu’a eu ce film au moment de sa sortie, je crois qu’on peut dire qu’il n’était pas le seul à avoir besoin d’en rire. Ça ne veut pas dire pour autant qu’on oublie ce qu’il s’est passé, qu’on ne respecte pas les victimes ou la souffrance des gens concernés, ni qu’on n’en n’a rien à foutre de rien. Mais le sacré étouffe. Le rire permet de respirer. Ça serait bien qu’on le rappelle aux gens parce que tu vois bien qu’actuellement le sacré, et principalement le sacré religieux, fait un retour en force dans nos sociétés. Est-ce que tu trouves qu’on respire bien en ce moment ou est-ce que tu trouves qu’on étouffe ? Posons-nous la question. Réellement. Moi, depuis quelque temps j’ai de plus en plus besoin de prendre des grands bols d’air quand même…

Il n’y a aucune provocation de ma part. Juste l’écriture c’est une tribune donc j’en profite. Ça me soulage un peu. Je trouve cette époque médiocre et il y a plein de truc qui vont m’occasionner un ulcère, alors j’essaye de retarder l’échéance. Quant au « parler cru » c’est parce que j’ai horreur de l’hypocrisie. Dans la vie je suis souvent obligé d’en passer par là sinon je ne pourrais plus communiquer avec personne. Mais là, j’ai le droit de m’en passer donc je ne m’en prive pas.

Ton roman est construit autour d’un héros qui s’appelle Augustin Kerr, et il y a autour de lui des personnages secondaires très importants. Ça vient du cinéma et des seconds rôles importants ?

Entre autre. C’est vrai que le cinéma que j’aime faisait la part belle aux rôles secondaires et aux acteurs qui les incarnaient. On les retrouvait de film en film avec plaisir. Ça revient un peu maintenant, d’ailleurs.

Tu vois, j’adore Jean Gabin depuis toujours. C’était un putain d’acteur, charismatique, qui te donnait envie de le suivre au bout du monde même pour y mourir, capable de jouer des drames ou de la comédie, donc un héros. Mais quand avant guerre il est avec Carette, Berry ou Dalio, et après guerre avec Dalban, Frankeur ou Blier, je prends vraiment mon pied. Quand les personnages secondaires sont importants et qu’en plus ils sont incarnés, ils n’éclipsent pas la vedette, ils la font briller davantage.

Ça fait aussi référence à Tintin et à San-Antonio où les personnages secondaires ne sont pas anecdotiques. Tintin devient véritablement intéressant quand Haddock et Tournesol entrent en piste. San-Antonio prend sa forme la plus efficace avec les arrivées de Bérurier et Pinaud.

Sans m’en rendre compte, j’ai sûrement suivi une formation avec ça. Parce que pour moi c’est la recette qui donne envie du reviens-y. Mais il faut les deux. Le héros et les autres. Frédéric Dard a écrit un San-Antonio où il n’y a pas San-Antonio. C’est Béru et Pinaud qui mènent l’enquête. Personnellement, c’est un des romans que j’aime le moins. Il n’y a pas la magie habituelle. Et c’est parce qu’il manque le héros. Pourtant San-Antonio, le personnage j’entends, est moins marrant et moins attachant que les deux branques qui lui servent d’adjoints, mais s’il n’est pas là, ça ne fonctionne pas. Ou moins bien. C’est le juste équilibre.

La recette du « reviens-y » c’est juste pour les lecteurs ou ça donne aussi envie à l’auteur d’y retourner ?

Ça donne envie à l’auteur aussi. Je me suis attaché aux personnages et à cet univers. J’aime bien ça. Vraiment. Et puis ça me fait marrer. Donc, oui, je vais tout faire pour en écrire un autre. Au moins un autre. Après, on verra… »

 

 

 

Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #portrait du jour criminocorpus
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