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Ancien déporté, André Verchuren était l'icône des bals musette. Il est mort mercredi à l'âge de 92 ans.

Même la Seconde Guerre mondiale ne l'avait pas empêché de jouer de la musique. Durant l'Occupation, André Verchuren n'a jamais lâché son accordéon. Il a même donné des bals clandestins. Véritable bête de scène, l’accordéoniste le plus célèbre de France n'a cessé de donner des galas qu'il y a quelques mois. Il est décédé mercredi à l'âge de 92 ans, victime d'un arrêt cardiaque dans un restaurant de Chantilly, dans l'Oise.

Il a tenu un accordéon pour la première fois à l'âge de quatre ans. Ainsi que le racontait Paris Match en 2004, chez les Verchuren, l'instrument était une passion que l'on recevait en héritage: le père d'André dirigeait une école d'accordéonistes et son grand-père en jouait. A six ans, le petit André donnait son premier gala et percevait son premier cachet: 15,50 francs. A 14 ans, André Verchuren était sacré champion du monde d'accordéon. Le jeune homme était déjà une star avant que le tourbillon de la guerre ne l'emporte.

Lorsque la France déclare la guerre à l'Allemagne pour venir en aide à son alliée, la Pologne, le jeune André a 18 ans. La guerre le surprend... sur scène. «Je n’oublierai jamais ce jour de septembre 1939, racontait-il à Adélie Genestar pour Match. J’animais un bal à Précy-sur-Oise. Deux policiers, un garde champêtre et M. le maire ont traversé la piste de danse, tout le monde s’est arrêté de danser. Ils ont stoppé devant moi et m’ont dit: "Nous vous intimons l’ordre d’interrompre cette manifestation, la guerre est déclarée!" Et jusqu’en 1945, tous les bals ont été interdits.» Le musicien a bravé l'interdiction. Mais il va faire preuve de plus de courage encore, en s'engageant dans la Résistance.

André Verchuren aide les parachutistes alliés, les héberge. Jusqu'à ce que la police française complice des nazis ne l'arrête en février 1944. Pour le jeune prodige, c'est le début de l'enfer. Remis aux mains des SS, il est déporté le 2 juillet de la même année. Il avait raconté à Match que sa mère avait attendu toute une nuit dans un souterrain le départ du train qui devait conduire le conduire de Compiègne vers la mort. Lorsqu'elle a aperçu son fils au matin, confiait le musicien, «elle s’est mise à crier mon nom et les SS l’ont mise en joue». «Un mot de plus, elle était fusillée sur-le-champ. Je lui ai dit: "Ne t’en fais pas, nous reviendrons dans trois mois. On va gagner la guerre..." Elle s’est tue et m’a regardé partir.»

A peine libéré, il joue "La Marseillaise" et "L'Internationale" dans la salle des douches de Dachau

Le convoi part vers Dachau, en Bavière. Là-bas, l'horreur absolue du système concentrationnaire s'abat sur le garçon d'à peine 23 ans. «J’ai vu la mort en face plusieurs fois. On m’a attaché devant un peloton d’exécution, il y a eu un ordre en allemand que je n’ai pas compris, et on m’a détaché. Un autre jour, des SS m’ont forcé à regarder la pendaison d’un camarade; si je détournais le regard, on me fusillait. Mais le pire, c’était ce qu’on appelait "le conseil de guerre", jugement sommaire suivi de l’exécution immédiate. Je dois à la chance, au hasard, d’y avoir survécu.» Il est contraint de travailler dans un château situé à 14 km du camp, où il se rend à pied, pour y trier des sous-vêtements. Avec ses camarades, André Verchuren fauche régulièrement des caleçons ou des maillots de corps pour les autres prisonniers, qui meurent de froid. Un jour, ses quatre compères sont confondus, puis exécutés par les SS. Le musicien ne doit son salut que parce qu'il a réussi à faire disparaître le caleçon supplémentaire qu'il portait en le mangeant, bouchée après bouchée.

Habitué aux rigueur de la scène, André Verchuren possède une résistance physique qui contribue à lui sauver la vie à Dachau. Le 29 avril 1945, le camp est libéré par les soldats américains. Lorsqu'il reprend un accordéon en mains pour la première fois en plus d'un an, il joue dans la salle des douches de Dachau: «La Marseillaise», puis «L'Internationale». A son retour en France, il a perdu 40 kilos. Mais le musicien travaille pour retrouver son incroyable doigté. Il y parvient et sa carrière décolle à partir de 1950, lorsqu'il entre à Radio Luxembourg. C'est de l'accordéon d'André Verchuren que sort la bande-son de la France d'après-guerre.

En 1967, André Verchuren joue "Ah! Si j'étais resté célibataire" sur l'ORTF

André Verchuren vend des albums par millions et récolte les honneurs. Il joue lors du grand bal d'inauguration du «France», en présence du Général de Gaulle. Après RTL, il a sa propre émission sur Europe 1. Il parcourt inlassablement la France pour y donner des galas. Mais la blessure de la déportation l'habite toujours, lui qui refuse de prendre le train et préfère conduire sa voiture. En 1974, une nouvelle tragédie le frappe: il perd le contrôle de son véhicule sur une route normande. Sa femme perd la vie, il est grièvement blessé avec son fils. La musique l'aide, encore une fois, à traverser les épreuves.

Lui qui déborde d'énergie sur scène et fait danser la France avec ses chansons légères porte le poids des épreuves. Il n'a commencé que tardivement à se livrer sur l'enfer de Dachau. Jusqu'à ses derniers concerts, André Verchuren aura une pensée pour ses camarades disparus. Devant son public de fans, il expliquait alors toute l'horreur de la déportation, avec des mots simples et forts. Puis il jouait quelques notes de la «Tristesse» de Chopin. http://www.parismatch.com/Culture/Musique/Andre-Verchuren-de-la-nuit-de-Dachau-aux-lumieres-de-la-scene-521421

Ancien déporté, André Verchuren était l'icône des bals musette
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