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http://images.gibertjoseph.com/media/catalog/product/cache/1/image/9df78eab33525d08d6e5fb8d27136e95/i/489/9782804801489_1_75.jpgÀ travers cette affaire, Des nègres et des juges met en lumière le rôle de la violence dans la société coloniale, la mainmise des colons sur la justice locale, mais aussi la capacité des esclaves à s'organiser pour exprimer leur révolte. « J'ai l'honneur de vous exposer que le huit de ce mois à huit heures du matin, douze nègres des habitations de Spoutourne, situées commune de la Trinité, appartenant à madame veuve Dubuc Saint-Prix Belfond, gérées par un sieur Vermeil, vinrent porter plainte contre lui, à raison de mauvais traitements qu'il leur faisait éprouver. » Ainsi débute la lettre envoyée, le 16 février 1831, par Alexandre Belletête, juge de paix du canton de la Trinité au procureur général de la Martinique. Ce jour-là commence l'« affaire Spoutourne ». Pendant plus de trois ans, elle met aux prises les divers acteurs de la société coloniale : esclaves en lutte contre la violence des maîtres, colons prêts à tout pour sauvegarder leurs intérêts, administrateurs souvent attentistes et aussi - nouveaux protagonistes sur la scène coloniale - de jeunes juges métropolitains dont le zèle intempestif vient perturber le système esclavagiste. À travers cette affaire, Des nègres et des juges met en lumière le rôle de la violence dans la société coloniale, la mainmise des colons sur la justice locale, mais aussi la capacité des esclaves à s'organiser pour exprimer leur révolte. Caroline Oudin-Bastide donne à lire ce scandale esclavagiste à travers de multiples documents - archives manuscrites et sources imprimées - qui font de ce livre une histoire prise sur le vif.

 

Des nègres et des juges ; la scandaleuse affaire Spoutourne (1831-1834)

 

Voici un ouvrage dont un film récemment diffusé [1] a été tiré, bâti autour d’un échange de correspondance entre des protagonistes d’une affaire judiciaire qui commence en 1831 à la Martinique. Les acteurs sont six esclaves noirs qui avaient osé saisir la justice du Roi pour dénoncer les mauvais traitements dont ils étaient l’objet de la part du « géreur », Vermeil. Le juge de paix Belletête, le gouverneur Dupotet découvrent peu à peu la réalité du système colonial et se heurtent à des colons aveugles face au vent de changement qui soufflait des colonies voisines.

 

Ces correspondances rassemblées par l’historienne Caroline Oudin-Bastide permettent de saisir le cheminement de ces hommes, agents de l’État, tiraillés entre leur conscience et leurs obligations. Six noirs sont victimes de cette situation pendant laquelle la Monarchie de Juillet est également tiraillée entre les pressions abolitionnistes et le fort lobby colonial, influent auprès du pouvoir. Les noirs finissent par quitter la Martinique pour s’enfuir vers la colonie anglaise de Sainte Lucie.

 

La Martinique, colonie esclavagiste


Cette colonie française depuis 1635, voit arriver en octobre 1636, par ordre du Roi Louis XIII des esclaves dans les Antilles Françaises. En 1685 Colbert rédige « le Code noir » qui en 60 articles, régit officiellement jusqu’en 1848 la vie des esclaves. La canne à sucre, l’activité essentielle de l’île demande beaucoup de main d’œuvre à la fois pour sa culture, sa récolte et sa transformation. On peut considérer que près de 70000 esclaves peuplent la colonie en 1831. Les blancs sont très minoritaires ce qui explique leur peur face au moindre mouvement de révolte de ces noirs. Une « justice » spécifique est appliquée. Des exécutions de masse sont pratiquées pendant la période 1804 – 1827 contre des noirs accusés d’empoisonnement ou de maléfice contre leurs maîtres et leurs troupeaux. Dans le cas précis de Spoutourne, la plantation en cause, le géreur, sorte de régisseur, semble satisfaire des pulsions sadiques. L’ouvrage décrit également l’ordinaire. Ce système permettait aux colons, tenus de nourrir leurs esclaves, d’éviter cette dépense en leur permettant de cultiver un lopin de terre. Représentés en tant que tels, au Conseil colonial. Les colons participent au conseil privé du gouverneur et cherchent par tous les moyens à « avoir la peau » du juge Belletête qui a enregistré, en tant que juge de paix la plainte des esclaves.

 

L’engagement des différents magistrats aux côtés des noirs ne leur a pas réussi et ils ont fini leurs carrières respectives dans des postes assez obscurs.

 

L’ouvrage est très heureusement complété par un glossaire permettant de comprendre le vocabulaire spécifique utilisé dans les correspondances.


Bruno Modica

 

Le film qui a été tiré de cet ouvrage n’a pas été à mon sens très convainquant. Les choix de mise en scène sans aucune mise en situation ne sont pas très attractifs. On joue sur le registre intimiste et sur celui de la suggestion et les jolies images de végétation sous les pluies tropicales s’apparentent beaucoup à du remplissage. Les travaux de Caroline Oudin Bastide auraient à mon sens mérité un meilleur traitement.


[1] Espoir vertu d’esclave a été diffusé sur la Cinq en mai dernier

 


lundi 30 juin 2008, par Bruno Modica

 


http://www.clio-cr.clionautes.org/IMG/autoff14.jpg?1357071677Bruno Modica - Agrégé d’histoire, Chargé du cours d’histoire des relations internationales Prépa École militaire interarmes (EMIA) Chargé du cours de relations internationales à la section préparatoire de l’ENA. (2001-2006) Enseignant à l’école supérieure de journalisme de Lille entre 1984 et 1993. Rédacteur/correcteur au CNED de Lille depuis 2003.

 

 

Publications aux éditions l’Étudiant :

 

 

- Réussir ses dissertations aux concours administratifs.

- Les droits de l’homme,

- Dictionnaire de culture générale

- Réussir le concours de professeur des écoles

Collaborateur permanent

- presse quotidienne régionale de 1994 à 2004, (Midi Libre)

- Revues agricoles (La Vigne) automobiles, (Citromania - 2CV magazine, Citropolis, planète 2CV), tauromachiques. (Planète corrida) 2003-2006

Collaborateur photographe. Terres taurines. http://www.terrestaurines.com/

Chargé de communication d’une collectivité territoriale

 


Justice - Peine de mort - Expertises (80)

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