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La création du Front national, il y a quarante ans, ne doit pas grand-chose à Jean-Marie Le Pen. C'est faute de mieux qu'il est choisi par les cadres d'Ordre nouveau. Il n'en devient pas moins dès 1974 le leader incontournable.

Ils avaient 20 ans, arboraient la croix celtique et maniaient la barre de fer contre les gauchistes. Fascinés par la violence, allergiques à la démocratie, ils défendaient l'Algérie française et rêvaient d'en découdre avec le régime gaulliste. Le nom de leur mouvement se voulait un défi lancé aux fervents de la Chine maoïste et autres émules de l'Est marxiste : Occident. Ils avaient 20 ans et composaient les forces vives de la principale formation d'extrême droite au sein des universités dans les années 1960.

Très vite, les dirigeants de cette jeunesse énervée remisèrent blousons noirs et poings américains. De guerre lasse, ils renoncèrent à renverser la république et reprirent sagement leur place sur les bancs de la faculté de droit d'Assas ou de l'ENA. L'activisme musclé est une chose, l'ambition et les études en sont une autre et le choix fut vite fait après la dissolution d'Occident en octobre 1968. De brillantes carrières à l'enseigne de la droite classique attendaient ces têtes bien faites : Gérard Longuet, Alain Madelin, Claude Goasguen, Patrick Devedjian...

Un autre personnage, aujourd'hui plus discret, choisira de jouer les prolongations à l'extrême droite. Orateur médiocre mais organisateur de talent, admirateur d'Édouard Drumont - il est membre de l'Association des amis d'Édouard Drumont créée en 1964 -, Alain Robert va rapidement s'imposer comme le chef du mouvement Ordre nouveau, édifié sur les décombres d'Occident en décembre 1969. Un groupuscule qui, trois ans plus tard, donnera naissance au Front national.

Car, contrairement à une idée répandue, la création du FN ne doit rien, ou presque rien, à Jean-Marie Le Pen. A l'orée des années 1970, l'ancien para de la guerre d'Algérie semble avoir fait le deuil de ses ambitions politiques. Élu en 1956 plus jeune député de France sous l'étiquette poujadiste, un temps rallié au Centre national des indépendants et paysans (Cnip) où il croise Valéry Giscard d'Estaing, Jean-Marie Le Pen s'illustre ensuite aux côtés de Jean-Louis Tixier-Vignancour, candidat à l'élection présidentielle de 1965. Lors de la campagne, c'est lui qui anime les « Comités Tixier », sillonnant les plages françaises à bord d'une caravane électorale. Mais avec 5,27 % des suffrages exprimés et son appel à voter François Mitterrand au second tour, l'avocat d'extrême droite achève de décevoir son bouillant directeur de campagne, qui s'éloigne alors de la vie politique.

Le Pen se reconvertit en petit patron. Il végète longtemps à la direction de la SERP, une modeste maison de disques qui réédite les musiques du Reich. Et trompe son ennui dans les bars de Pigalle, avec l'un des derniers empereurs du « milieu », Henri Botey alias « Monsieur Éric » - le parrain de sa fille Marine. Ou encore en Bretagne, entre la maison familiale de La Trinité-sur-Mer et son bateau, le Général - Cambronne , que pilote le jeune Olivier de Kersauson. Une longue traversée du désert marquée par quelques ennuis avec la justice. Jean-Marie Le Pen est un sanguin et ses virées entre anciens de la « corpo » de droit se terminent parfois au poste de police. Ainsi de cette nuit très arrosée de décembre 1965 au cours de laquelle il blesse grièvement un homme au visage, écopant de trois mois d'emprisonnement avec sursis et de 20 000 francs de dommages et intérêts.

Le Jean-Marie Le Pen de ces années ne dédaigne pas la compagnie d'anciens collaborateurs. Léon Gaultier, son associé à la SERP, était membre de la milice et s'était engagé dans la Waffen-SS. Le Pen compte aussi parmi ses proches Victor Barthélemy, ancien du Parti populaire français de Jacques Doriot. Néanmoins, en dépit d'une image tenace, ce rescapé de la IVe République n'a rien d'un néofasciste. Le Pen est alors un pur produit de la tradition poujadiste et Algérie française pétrie d'anticommunisme et d'antigaullisme. Une droite décomplexée, autoritaire voire musclée, mais respectueuse des institutions. Bref, il n'a pas grand-chose en commun avec les jeunes activistes du mouvement Ordre nouveau. Alain Robert et ses amis le choisissent pourtant pour présider le « Front national pour l'unité française », en gestation à partir de la fin 1971. Comment expliquer la création de ce nouveau parti ? Et pourquoi ce choix de Jean-Marie Le Pen ?

 

LE PEN, UNE FAÇADE « RESPECTABLE »

En ce début des années 1970, l'extrême droite française est une coquille vide. La poussée de fièvre poujadiste a été balayée par la Ve République, et l'OAS a vécu. Après l'onde de choc des événements de Mai, Tixier-Vignancour s'est rallié au général de Gaulle. Il a appelé à voter Georges Pompidou en 1969. Reste Ordre nouveau qui, avec ses 1 500 militants, pour la plupart étudiants, ne pèse rien électoralement.

Alain Robert a conscience que, pour sortir de la marginalité, son mouvement doit s'élargir, attirer à lui d'autres composantes et, surtout, présenter une façade « respectable ». N'est-il pas temps d'en finir avec les chahuts et les bagarres de rue ? Le changement de cap est officialisé lors d'un meeting en décembre 1971. « Nous sommes en train de préparer pour les élections législatives de 1973 un front national avec la quasi-totalité des personnalités de l'opposition nationale » , assure alors François Duprat1, qui est avec Alain Robert la véritable tête pensante d'Ordre nouveau.

 

 

Tag(s) : #Histoire - Documentaires, #Hommes et femmes en politique
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